Jérôme Poggi est heureux de présenter la cinquième exposition personnelle qu’il consacre à l’artiste brésilien, et moine franciscain, Sidival Fila (né en 1962 au Brésil. Vit et travaille au Convento San Bonaventura al Palatino, Rome).
Alors que son polyptique monumental conçu pour la dernière Biennale de Venise vient de rejoindre les collections du Musée d’art moderne et contemporain du Vatican, où il est désormais accroché sous des fresques de Pinturicchio, ce nouveau projet s’attache à mettre en évidence l’éthique du « care » qui inspire Sidival Fila aussi bien dans l’exercice de sa spiritualité que dans son art. Pris dans le sens de ‘l’attention aux choses’, ce ‘care’ irrigue de la travail de l’artiste, que ce soit dans ses techniques -qui ont trait au soin et qui impliquent patience et délicatesse-, les matériaux qu’il restaure et auxquels il redonne vie, ou son rapport à l’art et à ce qu’il peut accomplir.
Ce...nouveau projet s’attache donc à mettre ce rapport au monde en lumière, à travers trois séries en particulier: les Muffe qui sont accrochées dans la salle principale de la galerie, la série des fleurs dans les cabinets, et les sutures de l’entrée et du showroom.
Muffe
Lors de la 58ème biennale de Venise, Fila présente un polyptyque monumental de 10m de long, ‘Golgotha’, composé de 8 panneaux. Au retour de l’oeuvre à Rome, et avant son installation au Vatican, Fila s’aperçoit que celleci a souffert des conditions de son exposition dans le noir, et été maculé de tâches de moisissures. Restaurée grâce à l’aide des experts du Vatican, cette mésaventure marque néamoins l’apparaition d’une nouvelle direction dans la démarche de Fila.
La nouvelle série des Muffe (moississures) prolonge en effet des réflexions antérieures dans son travail, en invitant la vie à proprement parler, celle de l’infiniment petit - des bactéries et des champignons - à investir l’oeuvre d’art.
À la manière de Simon Hantaï, Fila plonge ses tissus non pas dans de la peinture mais dans les détritus du couvent, et les laisse macérer plusieurs jours dans les caveaux avant de découvrir comment le temps a agi en laissant diverses cultures investir la toile. Il intervient alors en arrêtant le processus pour en fixer les traces, et y ajoutant incisions, sutures et inclusions de miroirs, créant ainsi des impressions très particulières, voire contradictoires entre répulsion et délicatesse.
Concevoir une oeuvre d'art comme un être vivant et non comme un objet inerte n'est pas le seul fait du mysticisme. Il s'agit d'une pensée philosophique qui met sur un pied d'égalité tous les éléments sans exclure du régime de la vie ce qui n'a pas de poumons. Les cultures animistes d'Amérique centrale ou latine, qui revendiquent l'existence d'une âme dans les pierres ou le bois par exemple, appartiennent à ce courant. Dans l'histoire de l'art occidental, des artistes tels que Joseph Beuys, Alberto Burri, ou Dieter Roth ont également rejeté l'idée qu'une oeuvre d'art soit immobile, l'investissant au contraire d'une vie propre.
Sutures
L’exposition met en lumière le rôle de la suture dans le travail de l’artiste, qu’il utilise pour rapiécer les différents morceaux de tissu qui constituent ses oeuvres. Celle-ci est laissée volontairement visible, créant des architectures de fils ou des toiles d’araignées qui dessinent des motifs énigmatiques au sein de ses toiles minimalistes.
L’ambiguïté de ces coutures, qui évoquent tout à la fois une forme de violence et son soin subséquent, est au coeur de l’étrange fascination qu’exercent les oeuvres de Sidival Fila.
Au-delà de la technique de couture, ce processus évoque des peaux tannées, des épidermes suturés, ou des étendues désertiques. La finesse des tissus, délicatement rapiécés pour former une toile tendue, renforce cette impression épidermique, et enrichit encore une fois les liens que Fila tisse entre l’homme et son environnement. C’est donc par ce qui s’assimile à un rituel que l’artiste transforme les rebus de l’histoire ou de la société pour en faire des oeuvres incarnées, voire sacrées.
L’oeuvre de Sidival Fila s’inscrit dans une histoire formelle du minimalisme européen, se positionnant à la croisée de l’art informel, du Spatialisme et du Matiérisme. À ces mouvements, Fila emprunte aussi bien les gestes de fente, de rapiècement, ou l’utilisation de la matière brute comme matériau pictural. Mais il s’en détache aussi en portant une attention particulière aux matériaux qu’il emploie, qu’il s’agisse de tissus antiques ou industriels, d’objets trouvés qu’il soigne, panse, recoud ou suture, mu par une volonté qu’il qualifie de « rédemption de la matière ».
Biographie
Sidival Fila est né en 1962 dans l'État méridional du Paraná, au Brésil, connu pour ses célèbres chutes d'Iguaçu, mais aussi pour avoir été l'une des premières terres à être intensément déboisées pour la culture du café et du soja. Après avoir voyagé pour étudier l'art en Europe, il s'installe définitivement à Rome à 25 ans et interrompt sa carrière d'artiste pendant 18 ans pour se consacrer à une vie spirituelle. Il rejoint l'Ordre des Frères Mineurs de Saint François d'Assise, pour lequel il sert longtemps dans les hôpitaux et les prisons comme aumônier à travers l'Italie. Il reprend enfin sa pratique artistique en 2006, lorsqu'il installe son atelier dans le monastère franciscain de San Bonaventura al Palatino, où il exerce aujourd'hui la fonction de ministre général.
Multipliant les expositions importantes en Italie avec une première exposition personnelle au Museo Bilotti de la Villa Borghese à Rome (2015), Sidival Fila s'est rapidement fait remarquer en Europe. En 2016, la commissaire française Dominique Païni a organisé une exposition autour de Sidival Fila pour le Centre national d'art contemporain du Fresnoy (France), mettant en perspective son travail avec Dan Flavin, Sol Lewitt, François Morellet, Sheila Hicks, etc. En 2018, le Palazzo Ducale di Sassuolo lui consacre une exposition personnelle, faisant dialoguer son travail avec la collection monochrome de Panza di Biumo (2018). La même année, la critique et historienne de l'art Elisa Coletta lui consacre sa première publication monographique (Silvana Editoriale).
En 2019 il produit un grand polyptique, Golgotha, pour la 58è édition de la biennale de Venise où il expose au Pavillon de la ville de Venise. Il expose également au Palazzo Merulana à Rome et à ArtBasel Miami où la galerie lui consacre un solo show.
Il prépare plusieurs expositions importantes pour 2021 et 2022, entre autres à Venise, Bologne, et Madrid.
Entrada actualizada el el 06 jul de 2021
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